Anévrysme de l’aorte abdominale Rôle de l’IADE dans la prise en charge

L.Liagre, J-L Mouton, Dr Decoene, Dr Pol.
Service d’anesthésie réanimation en Cardiologie - Dr POL
Hopital Cardiologique, CHRU LILLE-59037 LILLE Cedex

La chirurgie de l’anévrysme de l’aorte abdominale est une des chirurgies où le risque cardiovasculaire est des plus importants.             Elle combine des effets hémodynamiques liés à l’acte chirurgical lui même (clampage-déclampage) ainsi qu’au terrain (lésions athéromateuses associées et âge).

Cette chirurgie peut se rencontrer en urgence.

Le principe de la cure chirurgicale de l’anévrysme de l’aorte abdominale consiste en : un clampage-déclampage de l’aorte en amont et en aval de l’anévrysme, une exclusion de celui-ci , ainsi qu’un rétablissement de la continuité par un tube prothétique aortoaortique, aortobiiliaque ou aortobifémoral.

Le conditionnement du patient au bloc opératoire est déterminé par les facteurs suivants :

ü Terrain polyathéromateux                                ü Clampage

Atteintes coronariennes fréquentes                    Augmentation de la postcharge

Lésions carotidiennes

üAltération de la fonction respiratoire            ü Déclampage

BPCO post tabagique                                              Diminution de la postcharge

Relargage des métabolites anaérobies

 

üAltération de la fonction rénale               üAge

Diabète

HTA

Les différentes techniques d’anesthésie utilisées sont soit l’anesthésie générale associée à une anesthésie locorégionale soit une anesthésie balancée (choix du service).

D’autre part, une prémédication est prescrite afin de diminuer l’anxiété.

La vérification du dossier est primordiale : on s’assurera notamment de la présence d’un groupe sanguin ( 2 déterminations) de RAI (- de 72 H) ainsi que de la commande et de la disponibilité des concentrés érythrocytaires au laboratoire.

1.      Problème liés à la chirurgie abdominale :

a) La voie d’abord de cette chirurgie est abdominale ou rétro péritonéale, elle nécessite :

ü Une sonde gastrique (vidange de l’estomac, prévention de l’iléus réflexe). Sonde en drainage libre au bloc opératoire et en aspiration jusqu’à la reprise du transit

ü Une curarisation profonde : meilleure exposition de l’aorte

Mise en place d’une seringue électrique à débit continu ou bolus itératifs

Surveillance par un monitorage (évaluation TOF,PTC)

b) Cette chirurgie est particulièrement douloureuse, l’analgésie est assurée par l’injection en seringue automatique d’une importante dose de morphiniques.

Temps douloureux

ü Incisionn

ü Mise en place et présence des écarteurs

ü Mobilisation du mésentère et des anses

            ü Fermeture du péritoine

 Surveillance :             du rythme cardiaque (tachycardie)

de la pression artérielle (HTA)

de l’état pupillaire (myosis)

des pressions de ventilation

c) La déperdition thermique est considérable.

La grandeur du champ opératoire, la durée de l’intervention et de l’exposition des anses, le remplissage induit par les pertes insensibles ainsi que la vasodilatation provoquée par les produits anesthésiques (narcotique) génère cette hypothermie.

On la compense par différentes méthodes

ü Des moyens externes                                               ü Des moyens internes

Matelas chauffants                                            Réchauffeur de solutés,

Couverture chauffante soufflante Utilisation de sérum chaud en fin d’intervention (lavage péritonéal)

La surveillance de la température est assurée par un monitorage (sonde thermique rectale)

d) La chirurgie aortique est une chirurgie propre (classe I de Altemeier), elle nécessite toutefois une antibioprophylaxie par une céphalosporine de 2ème génération : Céfamandole (mise en place d’une prothèse synthétique et longueur de l’intervention).

Dans la pratique, une couverture anaérobie (risque digestif) est effectuée par un imidazolé : l’Ornidazole.

Surveillance du risque allergique

2.    Problèmes liés au clampage-déclampage :

a)   Monitorage

ü ECG continu 5 dérivations + monitorage du segment ST (malade coronarien D2 et V5), variation volémique importante, risque d’ischémie coronarienne.

ü Saturation périphérique en oxygène (malade intubé, ventilé, souvent BPCO )

 ü Capnographe ( surveillance de la ventilation, surveillance lors de la reperfusion de l’élévation de la capnie )

ü 2 voies veineuses périphériques de gros calibre 14 ou 16 G

Induction

Remplissage vasculaire ( accélérateur de débit branché sur le réchauffeur de soluté )

ü Il est à noter qu’un dispositif de récupération de sang (cardiotome ) en per opératoire est systématiquement installé avant l’intervention puis compléter par un système de traitement du sang si nécessaire.

ü Mise en place obligatoire d’un cathéter veineux en jugulaire droit si possible (2 voies), il facilite la réanimation per et post opératoire.

ü Surveillance de la PVC

ü Matelas chauffant et couverture chauffante

ü Solutés disponibles ( 3 à 4 litres minimum )

b) Position

Le malade est en décubitus dorsal strict, bras en croix.

Un billot est placé sous les lombes favorisant l’exposition de l’aorte et diminuant le retour cave.

Surveillance de la  forme et du volume du billot, bon positionnement, effets secondaires : diminution du retour veineux.

3.      Management de la volémie :

a)      Les pertes insensibles

Le clampage et le déclampage de l’aorte abdominale mais aussi d’autres éléments influent sur l’hémodynamique

ü Le malade est à jeun, il a reçu une préparation colique la veille, il peut être considéré comme légèrement déshydraté.

ü La compensation des pertes insensibles due à l’exposition prolongée des anses (en CCV compensation 15 ml/Kg) ainsi que la diurèse, est effectuée par des cristalloïdes.

Surveillance tachycardie, hypotension, diminution de la PVC, diminution de la diurèse

ü La création d’un troisième secteur lié à l’exclusion des anses digestives.

b) Les saignements

A partir de 2000 ml de saignement, le récupérateur de sang ne restituant pas les différents facteurs de coagulation ainsi que les plaquettes, il ne faut pas oublier de vérifier le bilan de coagulation.

c)      Le clampage – déclampage

d) Rôle de l’IADE

Préparation du matériel, du capteur de pressions, du monitorage et réglage de ces différents éléments.

Voie distale : surveillance de la PVC en continu, surveillance évaluation et réajustement du remplissage

Voie proximale : utilisation des drogues vasoactives

La prise en charge de la surveillance de la volémie est complétée par la mise en place d’une sonde vésicale avec diurèse horaire.

La pression artérielle invasive, en relais d’une pression non invasive initialement installée, permet une surveillance continue des chiffres tensionnels ( importance de la PAM : bonne perfusion tissulaire de certains organes)

D’autre part, la mise en place de ce cathéter artériel permet d’effectuer rapidement et de façon répétée des bilans sanguins.

Surveillance de l’hémoglobine et de l’hématocrite en per opératoire

De la gazométrie ( acidose due au relargage des métabolites liées au processus anaérobie lors du déclampage, vérification des paramètres de ventilation)

Les résultats des bilans biologiques pratiqués pendant l’intervention sont à analyser en fonction des bilans préopératoires ( bilans contrôlés lors de la vérification des différents éléments du dossier en préopératoire)

4.      L’hémodynamique per opératoire

L’épargne sanguine

            Elle est étroitement liée

ü Au monitorage de la volémie

ü A l’évaluation des pertes insensibles

ü Aux pertes sanguines

ü A la technique anesthésique

Les variations de l’hémodynamique sont dépendantes dans un premier temps de la technique d’anesthésie utilisée.

La pratique courante privilégie l’anesthésie balancée.

L’hypnotique utilisé est le Propofol ( en seringue à débit continu ou préférentiellement en AIVOC)

A l’induction, la cible choisie est de 1 à 3 mcg/ml.

Le morphinique utilisé est le Sufentanyl à la posologie de 0.5 mcg/kg à l’induction puis de 0.5 à 1 mcg /kg/h en entretien.

L’incision abdominale correspond au début du remplissage vasculaire ( surveillance de la volémie, de la tolérance, compensation des pertes insensibles 15 ml/kg et de la diurèse par des cristalloïdes (type Ringer Lactate®)

Tout saignement est automatiquement compensé volume pour volume par des colloïdes (type Gelofusine®)

Quelques minutes avant le clampage, l’héparine est injectée à la posologie de 0.5 mg/kg ( 50 UI/kg)

Dès le début de l’intervention, tout saignement est récupéré grâce au Cell Saver® puis éventuellement traité en fonction de l’hémoglobine peropératoire et de la volémie.

Le sang récupéré dans le champ opératoire n’est traité qu’à partir de 800 ml (économie, attitude du service)

Ce qui réalise une autotransfusion peropératoire.

Le  rôle de l’ IADE est de contrôler la mise en route, l’utilisation et le bon fonctionnement du récupérateur de sang.

Lors de la période de clampage, la postcharge va augmenter, la surveillance se concentre alors sur la tension artérielle qui s’élève.

Pour limiter cette hausse des pressions, on approfondit dans un premier temps l’anesthésie (augmentation de la dose du narcotique, et du N2o, intérêt de l’AIVOC)

Si cette action ne suffit pas, un vasodilatateur artériel et veineux (NPS) est employé pour maintenir une PAM à 70/90 mmhg.

La posologie du Niprid® est à adapter et à réajuster en fonction du patient et de la réponse à celui-ci (commencer à 0.1 µg/kg/min poso max 10 µg/kg/min)

La surveillance porte alors sur les effets de l’emploi de cette drogue : tachycardie, hypotension.

Dans le même temps, le remplissage vasculaire est optimisé tout en surveillant l’hématocrite et l’hémoglobine.

L’association récupérateur de sang plus hémodilution normovolémique permet d’assurer une épargne sanguine correcte.

            La transfusion autologue différée peut être une alternative , elle ne présente que peu d’intérêt dans la mesure où une récupération peropératoire est systématiquement mise en place.

            De plus, elle est parfois difficile à réaliser si les patients ont plus de 65 ans.

Lors de cette hypotension contrôlée, la capnie n’est plus le reflet de la ventilation. La surveillance biologique de la ventilation se fera à l’aide de gaz du sang.

Tout au long du clampage, la volémie est optimisée si nécessaire à l’aide de vasodilatateurs pour permettre le déclampage ( +HEA).

Le déroulement de l’intervention va déterminer l’arrêt de l’emploi du vasodilatateur. En effet, pour permettre l’adaptation contenant contenu et surtout pour permettre l’adaptation du myocarde, le Niprid® est arrêté 5 min avant le déclampage (½ vie courte).

La pression artérielle va donc augmenter.

Cette stratégie hémodynamique a pour but de compenser la chute des résistances vasculaires périphériques secondaire au déclampage.

Outre cette chute de pression, le déclampage aortique provoque la revascularisation des territoires ischémiés. Ceci a pour conséquence une libération des métabolites anaérobies (aggravant la vasodilatation).

Les répercutions du clampage aortique sur la fonction rénale peuvent être limitées par le respect de la volémie et de la pression de perfusion .

Des précautions particulières sont à prendre chez l’insuffisant rénal chronique. Dans ce cas, une préparation (type hémodialyse) sera mise en place.

NB : chez ces patients, l’hémoglobine initiale est basse.

En résumé, la prise en charge pré et per opératoire conditionne le post opératoire et l ‘avenir du patient.

C’est pourquoi, la stratégie hémodynamique et transfusionnelle influe toute la conduite et toute la surveillance.

5.      La protection rénale et ses conséquences

La protection rénale est directement liée en l’absence d’ischémie par clampage rénal au remplissage ainsi qu’au maintien d’une bonne pression de perfusion.

Par contre, lors d’un clampage rénal, la protection rénale peut nous amener à utiliser des techniques particulières.

Le refroidissement extérieur à l’aide de glace produit une protection rénale pendant le clampage aortique et ne nécessite pas un équipement spécial.

L’ attitude sur Lille, outre le fait d’essayer de diminuer au maximum le temps  du clampage (30 min maxi) consiste en la perfusion locale (art rénales) d’un liquide froid ( 10°) hépariné (néphroplégie).

Cette technique dont le but est de diminuer le métabolisme rénal peut être complétée par l’utilisation de diurétique de l’anse.

L’inconvénient de cette perfusion froide est de diminuer la température corporelle.

La Dopamine ou la Dopexamine ne sont presque pas employés ( les résultats sont encore contre versés).

La surveillance IADE porte sur la surveillance des temps de clampage, sur le contrôle précis de la diurèse horaire en per et post op (sonde vésicale obligatoire), sur la volémie et le pression de perfusion.

Les actions complémentaires

En conclusion :

La chirurgie de l’anévrysme de l’aorte abdominale nécessite un management anesthésique centré sur l’hémodynamique (volémie et pression de perfusion)

Ces 2 paramètres conditionnent le per et le post opératoire afin de limiter les complications

Toutefois la cure chirurgicale de l’anévrysme de l’aorte abdominale demeure une chirurgie lourde entachée d’une morbidité et d’une mortalité élevée.